L'histoire de Saint-Nicolas-la-Chapelle

 
La paroisse de St-Nicolas-la-Chapelle fût vraisemblablement la première à se détacher de "l'église-mère" de Flumet au début du 14ème siècle. Son nom vient probablement du primitif oratoire consacré à St-Nicolas, situé au lieu-dit « La Chapelle ».
 
St-Nicolas-la-Chapelle a gardé le cachet d'une communauté rurale tout en s'ouvrant à l'accueil d'un tourisme familial. Ce tourisme procure aujourd'hui la possibilité aux jeunes de rester au pays, possibilité que leurs aînés n'ont hélas pas connue, en raison de l'isolement de la vallée. Car autrefois, la vallée supérieure de l'Arly était fermée des deux côtés. Les travaux pour faire passer une voie dans les Gorges de l'Arly ont commencé en 1862, pour ne s'achever qu'en 1886 (au recensement de 1801, la commune comptait 1012 habitants). 
 
L’ouverture de la route de Flumet à la Giettaz a permis le développement de l’exploitation des carrières d’ardoises. Toutes se trouvent sur la route du Col des Aravis.
 
Entrée d'une mine.

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 Les ouvriers travaillaient à extraire et découper les ardoises nécessaires à la construction des bâtiments. Les ardoises du Val d’Arly ont couvert de nombreux édifices en Savoie et en France.
Au nord de Flumet, 4 petites ardoisières totalisant 2 kilomètres de galeries, ont été exploités de 1897 à 1930. Après 1918, l’activité devient plus importante et emploie de nombreux ouvriers. Elle employait des gens de la vallée et de nombreux italiens.
Ces petites exploitations ont employé jusqu’à 110 ouvriers en 1923 pour une production annuelle de 3600 tonnes.
Au début du 20e siècle, deux autres carrières d’ardoises ont été ouvertes sur la commune de St-Nicolas la Chapelle, à Crest d'Arbet et à la Landelière. Les ardoises venant de la Landelière étaient acheminées par câble jusqu’à Flumet, au niveau de l’actuel Office de Tourisme.
L’exploitation des ardoisières était difficile et dangereux, notamment pour des risques d’effondrement et l’utilisation d’explosifs.
 
Une enquête faite en 1930 révèle la présence de tisserands de toile dans plusieurs communes. Jusque vers le milieu du XIXème siècle, avec le lin et le chanvre cultivés sur place, on fabriquait à domicile de la dentelle, revendue ensuite par les merciers du Faucigny. De même source, on apprend que les bergères s'étaient spécialisées dans le tricotage des chaussettes en laine. On peut dire que si l'absence de route faisait vivre cette activité de passe-temps, celle-ci est morte de la route. 
 
En 1901, on recense 780 habitants. Ces vagues d'émigration, ajoutées aux deux guerres mondiales et à l'exode rural, entraînent un dépeuplement du village qui ne compte plus que 547 habitants en 1962. Les hameaux les plus éloignés, les Rochats, Nanchard, le village de Chaucisse, se vident de leurs habitants. C'est en 1975 que l'on atteint le point le plus bas avec 341 âmes. La chanson de Jean Ferrat « la montagne » reflète tout à fait ce qui se produisit à St-Nicolas-la-Chapelle. Mais les Colatains ont su garder confiance et maintenir une vie active dans le village pour en maintenir la population, qui avec les nouvelles technologies et l'évolution des moyens de transport, préfèrent la vie à la montagne plutôt qu'à la ville.

Histoire de l'église de Saint-Nicolas-la-Chapelle


Saint François de Sales a prêché dans l'ancienne église le 20 juillet 1606.
 
Le 5 juillet 1766, Monseigneur Jean-Pierre Biord, évêque et prince de Genève, fit halte à St-Nicolas-la-Chapelle, lors d'une visite de son diocèse. Frappé par la vétusté et le manque d'entretien, il ordonna de rebâtir une nouvelle église, faute de quoi, il se verrait dans l'obligation d'en interdire l'accès.
 
Les dommages existaient de longue date, mais l'occupation espagnole ne fît qu'accroître la misère des villageois, et après le départ des troupes occupantes qui laissèrent le duché complètement exangue, les paroissiens étaient dans l'impossibilité d'entreprendre de tels travaux.
 
Le 6 décembre 1744, Jean-François Crottet, bourgeois né à Sallanches, prend ses fonctions de curé à St-Nicolas-la-Chapelle. D'une famille aisée, il prend sa charge à coeur et donne à sa paroisse toute sa personne et une partie de ses deniers. Pour éviter le poids d'une imposition, il fait lui-même les réparations nécessaires à la cure, à la grange de la cure et audit grangeage du curé.
 
Le révérend Crottet mit tout en oeuvre pour collecter des fonds afin de rebâtir l'église. En 1760, un don de douze mille livres est recueilli suite au testament d'André Barioz, originaire de St-Nicolas-la-Chapelle, qui était allé chercher fortune à Rome, en qualité de marchand-négociant. Il meurt en 1746. On mettra des années à récupérer les fonds. En 1770, le révérend Crottet a réuni 2500 livres, auxquels s'ajoutent l'apport certain des R.P Jésuites de Chambéry de 2000 livres. On entreprend enfin les fondations de l'église, le 1er mars 1775. L'entrepreneur aura 2 ans pour mener à bien son ouvrage.
 
Pour le Reverend Crottet, cette église, l'une des ambitions de sa vie sacerdotale, doit être magnifiquement parée. Un inventaire de 1778 nous apporte des renseignements précieux à ce sujet ainsi que sur l'importance du mobilier de cette église rurale de montagne.
 
En 1790, on peut considérer que tout le gros oeuvre est terminé. En 1863, le réverend Bernard a pu écrire "lors de la construction de l'église, la population de Saint-Nicolas-la-Chapelle s'imposa d'immenses sacrifices pécuniaires et des corvées plus considérables encore, pour l'approvisonnement des matériaux qu'ils durent amener de fort loin et tout à dos d'homme ; aussi raconte-t-on que les gens travaillaient le jour, pour vivre, et la nuit pour l'église, pendant l'espace de deux ans".
 
Il ne fût pas donné au Reverend Crottet de voir la réalisation de tous ses désirs, Dieu le rappelant à lui avant qu'il n'ait pu parachever son oeuvre, le 18 mai 1792. Il laissa un legs de 350 livres en faveur des pauvres de la paroisse, en recommandant particulièrement les quartiers de Nanchard , Chaucisse et des Rochats et des instructions pour l'établissement de deux écoles, à Nanchard et Chaucisse. Et pour son église, il donna une paires de burettes avec la soucoupe et un gouteau, le tout d'argent, et en homme prévoyant, il ajouta une somme capitale de 322 livres pour les réparations du clocher, de la nef, etc ...
 
A la mort du Reverend Crottet, la France révolutionnaire est en pleine effervescence. Les idées nouvelles bouillonnent en Savoie. Le 20 juin 1792, le Reverend Sr Pierre François Bétemps entre officiellement en possession de la cure de St-Nicolas-la-Chapelle, s'entourant de sages précautions, il fait établir le 18 septembre, par acte notarié, l'état des biens. L'expertise du mobilier ne manque pas de surprendre par son peu d'ampleur quand on le compare à l'inventaire si détaillé de 1778. Est-ce intentionnel ?
 
Les évènements se précipitent. Le 22 septembre les troupes françaises, sous les ordres du général Montesquiou, envahissent la Savoie. En quelques semaines, l'Assemblée Nationale des Allobroges, adoptant le rattachement de la Savoie à la France, avec toutes ses lois révolutionnaires, fait table rase du passé. L'exercice du saint ministère, en pleine persécution religieuse dans une région sillonnée par les troupes, n'allait pas sans grave danger. Afin d'éviter toute surprise, il fallait emprunter le couloir de l'Aigle, dans la chaîne du Charvin, pour parvenir à St-Nicolas-la-Chapelle. D'infinies précautions entouraient le séjour de ces prêtres, à qui des maisons sûres ouvraient leurs portes, au péril de la vie des occupants. On signale entre autres le châlet des Gets aux Rochats, celui des Côtes à Chaucisse. On note aussi aux Combes, un souterrain naturel, creusé dans du schiste ardoisier, la « Grotte du Curé », qui aurait servi de refuge à un prêtre pendant ces temps troublés.
 
Il est un fait qui doit retenir notre attention, c'est que tout le mobilier religieux et les objets du culte appartenant à l'église échappèrent aux destructions révolutionnaires. Pourtant, le calme ne régnait pas dans le Val d'Arly en 1793-1794. Le chanoine Lavanchy rapporte qu'à Flumet, on arracha le grand Christ pour le traîner, avec toutes sortes d'outrages, dans la grande rue et le jeter finalement dans l'Arly ; à Bellecombe, « tout fut saccagé, brûlé, foulé aux pieds, détruit, vendu » ; à Crest-Voland, c'est l'arrestation du prêtre Joguet, qui sera fusillé à Cluses et du prêtre Neyre qui réussit à s'enfuir. L'église et le presbytère d'Héry sont saccagés et livrés au pillage.
 
Les Colatains mirent à l'abri ce qu'ils avaient de plus précieux. La tradition rapporte que les vases et ornements sacrés furent cachés, les autels démontés et qu'on brûla à leur place, près de la croix, sous le cimetière actuel, un immense tas de vieux bois. Même ruse pour la grosse cloche de l'église qui fut enterrée dans la propriété des Mouilles, au dessous du chemin de Crest d'Arbet. En l'absence d'archives communales de l'époque, nous ne savons à qui imputer ces courageuses initiatives.
 
En 1819, la question des cloches est remise à l'honneur. Quatre vieilles cloches sont accrochées au beffroi. On les descend le 28 octobre pour les fondre. « La grande  est cassée par Gabriel Dumax Baudron de dessous la Roche ». La première pèse 890 kg, la seconde 437,5 kg, la 3ème 294 kg et la 4ème 69 kg. Les fondeurs, Louis et François Gautier, père et fils, de Conflans, procèdent à la fonte à Subondinaz, selon la tradition, le 31 « à 10h35 ; la fonte a duré cinq minutes et a réussi à merveille ». Il en sort deux cloches de 1180 kg, avec pour nom de baptême Marie Clémence et la 2ème, de 805 kg, portant le nom de Constance.
 
En 1852, une souscription est ouverte, tant « à Paris par nos gens de Saint-Nicolas-la-Chapelle » que dans la commune, qui permet l'acquisition d'une 3ème cloche, Marie Josephe, faite par les frères Paccard. En 1858, grand évènement dans la paroisse : on dote l'église d'un carillon. Gabriel Dumax-Vorzet, à feu Joseph du Barostin, fait preuve d'une grande largesse en donnant deux cloches à lui seul. On raconte que son intention première était d'offrir une seule cloche, mais comme ses neveux et présomptifs héritiers lui avaient reproché sa générosité, un malicieux vint lui dire : « Pour bien montrer que tu es encore le propriétaire de ton bien, donnes en donc une autre ! ». Et avec 2800 francs, il avait relevé le défi.
 
Quant à la 6ème, qui coûta 650 francs, on la doit au curé desservant de l'époque, le père Victor Aimé Rey. En 1863, le révérend Bernard se plaira à écrire qu' « après celui de Sallanches, le carillon de Saint-Nicolas-la-Chapelle est, sans contredit, le meilleur, le plus beau et le plus harmonieux de toute la Savoie ».
 
En 1857, le clocher fut pourvu d'une horloge dont les frais furent couverts par souscription. On la fit venir du Jura, fabriquée par les frères Prost pour la somme de douze cents francs. Cette horloge fut remplacée, toujours par souscription, en 1947. En 1866, une autre souscription permit d'acheter l'orgue de la tribune à l'abbé Clergeau, fabricant à Paris, pour cinq mille francs. De juin 1944 datent sa restauration et sa motorisation par la maison Merklin. 
 
Il y a quelques années, le clocher a été restauré. Le bâtiment a également fait l'objet d'importants travaux de soutènement, suite à un glissement de terrain qui avait entraîné des fissures au niveau des voûtes et endommagé les peintures murales. Des travaux de soutènement ont été réalisé en 1999.
En 2021, la toiture et les façades a été entièrement refaites. Il est prévu de faire des travaux de rénovation intérieure prochainement.
 
La liste du mobilier, de ses tableaux et autres ornements serait trop longue à énumérer mais, oeuvres mineures ou objets précieux, tous témoignent, par leur présence, de la générosité et de la vigilance des Colatains qui ont amoureusement constitué ce riche patrimoine et continuent à le préserver.